Vous lisez la Soupape créative du Mocko ! Chaque vendredi, je vous partage mes réflexions sur la créativité et les ressources qui m’ont été utiles.
Hello !
Pas trop chaud par chez vous ? Tout va bien ?
C’est depuis le noir de ma grotte que je vous écris.
C’est sûr, je profiterai mieux de la chaleur les pieds dans l’eau, un cocktail frais à siroter à l’ombre d’un cocotier, avant de retourner dans mon immense appartement climatisé en me demandant si je ne dois pas investir dans la dernière start-up greentech à la mode.
Mais pour ça, il me faudrait de l’argent, de la moula, de la grosse thunasse, quoi !
En réalité, je ne suis pas à plaindre, mes proprios ont fait isoler mon appartement et je suis assez contente de ne pas avoir eu à m’en occuper (vu le chantier que c’était). Oui, il y a des points positifs à être locataire parfois !
Bon, tout ça pour dire que j’ai une légère marge de progression avant d’aller vivre ma meilleure vie d’influenceuse à Dubaï — j’ai eu la nausée en l’écrivant — et cette progression passe par l’augmentation conséquente de mes revenus.
Je sais qu’un grand nombre de créatifs grincent des dents quand il s’agit de parler pognon, n’osent pas annoncer leur prix au risque de penser qu’ils se transforment littéralement en requins — ce fut mon cas — et je me suis alors demandée pourquoi la créativité et l’argent (et donc le business) ne seraient pas compatibles. Ce sera notre sujet du jour !
Spoil : Je me suis un peu lâchée, cela fait un moment que je la prépare celle-ci ! C’était un sujet assez compliqué pour moi donc elle est un peu plus longue que d’habitude.
Temps de lecture : Environ 7 minutes
Voix off digressante disponible sur l’ App Substack et sur le web ici
Il était une fois un créatif fauché
Celui qui vit en ermite en se nourrissant de vers (de poèmes, pas de terre hinhin) d'inspiration… et de pâtes ! En plus, il trouve ça magnifique parce qu’il en est convaincu : « Ma créativité n'a pas de prix. »
En réalité, cette image nous vient tout droit du 19ᵉ siècle, époque où quelques bourgeois pouvaient se permettre de jouer les artistes torturés romantiques, car papa payait le loyer. Sauf qu'aujourd'hui, on continue de véhiculer ce mythe comme si être créatif et avoir un compte en banque étaient incompatibles.
Spoiler alert : la passion seule ne permet pas de payer ses cotisations sociales et son loyer.
Quand est-ce que tu trouves un vrai travail ?
Ben ouais, dans la tête des gens, dessiner/faire un atelier d’idéation/brainstormer, c’est bien plus fun qu’un fichier Excel.
« Tu ne travailles pas vraiment, tu t’amuses ! »
Ah, parce que pour que ce soit du travail, il faut obligatoirement souffrir ? Il faut avoir envie de se jeter par la fenêtre tous les matins à 8 h ?
En gros, si on prend du plaisir à faire quelque chose, ça ne mérite pas rémunération ? Donc, si on suit cette logique, un chef cuisinier qui aime son métier ne devrait pas être payé non plus. C’est stupide, non ? Pourtant, lui aussi, c’est un créatif !
Derrière cette mentalité se cache une vérité bien nulle : on survalorise la souffrance au travail. Comme si souffrir était un gage de sérieux, de légitimité. Il ou elle galère, c’est dur, c’est un·e vrai·e bosseur·se. Alors que la créativité, elle, demande de l'énergie positive, de la motivation et de l'enthousiasme. Stop à la morosité professionnelle !
Le vrai coût de la créativité
Derrière chaque action "spontanée", il y a des années d'apprentissage, d'échecs, de remises en question. Mais ça, personne ne le voit. On ne voit que le résultat final, celui qui a l'air « facile ».
Mais parlons peu, parlons vrai : créer, c'est du boulot. Il faut :
10 000 heures pour maîtriser son sujet (minimum).
Des années de formation, d’auto-formation et de veille perpétuelle.
Des heures de créativité silencieuse pour parfois 5 minutes de résultat visible.
Donc, une charge mentale permanente (les idées ne font pas du 9 h - 17 h, elles).
Du matériel, des logiciels, un espace de travail.
De la gestion administrative (factures, contrats,…).
L’arnaque de la visibilité
"On ne peut pas te payer, mais si tu le fais, tu auras de la visibilité !" "C'est pour ton portfolio !" "Ça te fera de l'expérience !"
Ces phrases, on les entend teeeeellement qu'elles mériteraient d'être classées au patrimoine de l’Unesco de l’arnaque mondiale. Bizarrement, on ne dit jamais à un plombier : "Je ne peux pas vous payer, mais tous mes voisins verront vos superbes canalisations ! C’est une visibilité de dingue ! » … Mais je vous propose d’essayer !
Cette mentalité culpabilise les créatifs de vouloir vivre de leur travail et « justifie » leur précarité car « je ne mérite pas d’être payé pour un passe-temps ». C’est FAUX.
La culpabilité du créatif qui veut faire du business
Mais attendez, ce n'est pas fini ! Le créatif (je parle bien de TOUS les créatifs, pas que les artistes – designers, rédacteurs, développeurs, etc.) qui s'auto-sabote dès qu'il s'agit de penser business.
"Si je pense trop à l'argent, je vais perdre mon âme créative." "Le business, c'est sale, moi je suis pur."
"Vendre, c'est trahir mes valeurs."
J’ai tellement ressenti cela, il y a 10 ans, au début de mon activité de freelance ! Mais… ça nous vient d'où exactement ? Pourquoi cette opposition entre « créativité » et «commerce » existe-t-elle ?
Comme si avoir une stratégie commerciale intelligente allait automatiquement transformer la créativité en truc insipide et dénué d’âme. En quelque chose de sale.
Alors on se retrouve avec des personnes qui :
Sous-évaluent systématiquement leurs tarifs par "modestie".
Refusent de parler d’eux par peur de manquer de cohérence.
Culpabilisent de vouloir développer leur activité.
Se sabotent inconsciemment dès que ça marche trop bien. (Oui, la peur de la réussite existe aussi ! Voici un article d’Anne Bezon, écrivaine, sur la question).
En bref, ces personnes gâchent leur talent.
Résultat ? Ils restent dans la galère financière tout en se consolant avec leur "intégrité morale". Sauf que l'intégrité, ça ne paie pas les factures. Et être en survie financière perpétuelle, ça tue le moral — donc la créativité — plus facilement qu'un business model canva.
Penser Moula VS Vendre son âme
Attention, révélation : avoir une approche commerciale, c'est respecter sa créativité, pas la trahir. C’est ce que j’ai aussi appris chez Clermont Auvergne PEPITE, auprès de nos étudiants-entrepreneurs.
Penser Money ! Money ! Money, c'est :
Abba en 1976 (pardon).
Se donner les moyens de créer sans stress financier.
Pouvoir refuser les projets pourris parce qu'on a de la tréso.
Investir dans du bon matériel, de la formation, de l'expérimentation.
Avoir le luxe de prendre des risques créatifs.
Pouvoir dire non aux clients toxiques (et ça, vous ne vous rendez pas compte comme c’est si important ! Et souvent les toxiques sont parmi ceux qui ne veulent pas payer « cher ». Le cercle vicieux, donc. )
Pouvoir partir faire son influenceuse à Dubaï — non ça, en vrai, votre bilan carbone et moi-même vous demandons de ne pas le faire.
Un créatif qui maîtrise son business, c'est un créatif libre. Un créatif qui refuse de s'y intéresser, c'est un créatif qui dépend des autres, en acceptant tout les contrats qui arrivent pour survivre. Et bim !
Bon, il est temps de casser ce mythe, non ?
Non, être créatif n'est pas incompatible avec gagner sa vie.
Non, demander à être payé décemment ne fait pas de toi un·e vendu·e.
Non, tu n'as pas à vivre sous le seuil de pauvreté pour être un "vrai" créatif.
Non, penser stratégie commerciale ne va pas tuer ta créativité ni ton talent.
Eh oui, tu peux adorer ton travail ET être respecté financièrement.
Il est temps de changer le mythe du créatif précaire et de commencer à valoriser ton travail à sa juste valeur. Parce qu'au final, un créatif qui peut se concentrer sur ce qu’il fait au lieu de se demander comment il va payer son loyer, c'est une personne sereine qui peut donner le meilleur d’elle-même.
Et ça, c'est tout bénef pour tout le monde.
Le défi créatif de la semaine
Chaque semaine, je vous propose un défi d’écriture créative à réaliser dans un carnet en 3 parties :
Créatif : un petit défi pour sortir de la routine et stimuler la créativité.
Gestion de projet : notez une tâche à accomplir pour faire avancer un projet personnel ou professionnel cette semaine.
Réflexion : une section pour noter des pensées sur le défi, les obstacles rencontrés ou les retours reçus.
Comme souvent, on ne s’écoute pas sur ce sujet et on se trouve de bonnes excuses, je vous propose donc de rédiger un règlement ou un manifeste en 10 points dans lequel vous revendiquez la valeur de votre travail, par exemple :
Être payé convenablement pour ses réalisations.
Aimer ce que vous faites sans culpabiliser.
Savoir poser vos conditions.
Dire non aux projets qui ne vous respectent pas.
Commencez chaque point par "J'ai le droit de..." et lâchez-vous !
Bravo ! Vous êtes enfin arrivé·es à la fin de cette newsletter, merci à vous ! J’espère que son contenu vous a plu ! N’hésitez pas à me répondre par retour de mail, à me laisser un commentaire (ou un petit coeur sur Substack <3) ou à la partager ! À la semaine prochaine et bon week-end !
Je crois que la soupape créative sera dans les pépites du mois de juillet...
Comme d'habitude j'adore et j'adhère à 1000% ! Cette étiquette de "fauchée" attachée à l'artiste (et toute personne faisant une activité creative) doit disparaître. Je le vois dans le monde de l'édition : les auteurs sont les personnes les moins bien rémunérés de la chaîne alors que sans eux...pas d'œuvres à vendre !